Christophe Sanchez
C’est Huguette qui lors de nos réunions du Cercle d’Histoire m’a demandé si un jour j’écrirais une suite de « Je me souviens ». Il est vrai que plusieurs lecteurs au cours de ces années m’avaient parlé de ce texte et qu’une suite tout doucement se mettait en place. Le temps rend certains souvenirs plus précis, les épure, les polit. Une pierre qui à force de marées n’a plus d’aspérité. Seuls restent les souvenirs heureux, les rayons de soleil et le sourire des gens que l’on aime. La petite main d’enfant que l’on a tenue et qui maintenant est prête à être définitivement lâchée.
A Pierre et Marc.
Je me souviens d’un hiver qui a couvert nos arbres de glace au point de les faire rompre.
Je me souviens de la découverte de la neige de Pierre, de sa surprise au contact des premiers flocons
Je me souviens du Lertzbach qui a pris son aise dans les rues du village un soir d’été
Je me souviens des premiers pas de Marc pour chercher du chocolat dans la cuisine
Je me souviens de M. Maeder sur son vélo électrique parcourant le village et Walthari sur son Raleigh avec son calot aussi blanc que sa barbe grise
Je me souviens des dernières vignes de notre colline arrachées pour être remplacées par des roseaux.
Je me souviens des recréations passées à jouer au ballon prisonnier
Je me souviens des débuts de Marc au foot, ses premiers matchs dans son short et maillot trop grands
Je me souviens du tour de France qui a passé trop vite sans que l’on reconnaisse un coureur
Je me souviens des mots d’enfant de Pierre « kakuk » et « napépé » pour voiture et canapé
Je me souviens d’été chaud faisant fondre le bitume sous mes baskets
Je me souviens du corps de ferme Aman aujourd’hui replacé par un immeuble
Je me souviens du nuage de Tchernobyl qui s’est arrêté à la frontière suisse
Je me souviens des premiers jours à la mer en famille et de ces centaines de châteaux de sable disparus dans l’océan
Je me souviens de magnifiques orages illuminant le ciel d’éclairs, de l’odeur de ces mêmes orages les soirs d’été sur le sol chaud, du tonnerre déchirant le calme de la nuit
Je me souviens des cigognes à la sortie de la cérémonie de notre mariage
Je me souviens de la dernière fournée de Barbe Marcel, une nuit d’été, sa tranquillité et son sourire en racontant ses souvenirs
Je me souviens des premières rentrées scolaire de nos enfants, le rituel de l’appel, les habits et le cartable neuf, les rangs par deux, l’attente à midi pour voir comment s’était passée la matinée
Je me souviens de la droguerie Meyer, ses odeurs puissantes de produits qui ne vous donnaient pas envie d’y rester trop longtemps
Je me souviens d’avoir vu les Alpes un jour d’hiver du haut de la colline du Rosenberg
Je me souviens des chants de Noël en allemand qui vous faisaient frissonner lors de la messe de minuit
Je me souviens de ce coiffeur qui a refusé d’être payé à la vue des larmes de Pierre
Je me souviens des 30 ans de Franjo, le match de foot au cœur de la nuit et de la porte principale de l’église servant de but après quelques bonnes bouteilles
Je me souviens des heures passées avec Alain sur le livres des cartes postales, le plaisir des recherches, sa perfection pour les détails et son amour pour son village
Je mes souviens de l’arrivée du printemps, les chatons, l’osterputz et les nids dans le jardins
Je me souviens de longues histoires pour faire endormir les enfants, de Tchoupi ou mini loup ou de « roule la galette »
Je me souviens, je me souviens…
