Philippe Baumlin
Né le 12 juillet 1920 à Hégenheim (Haut-Rhin), Constant Wiener était le fils de Maurice Wiener et de Camille Goetschel, née à Hégenheim le 17 octobre 1882.
Sa mère, Camille Wiener née Goestchel fut arrêtée à Brive-La-Gaillarde où elle vivait et elle fut déportée par le convoi n° 72 du 29 avril 1944. Elle décéda à Auschwitz le 4 mai 1944. Témoignage de sa fille, Mme Schwartz Zoé.
Réfugié de Strasbourg, il avait vécu un temps à Brive mais il était domicilié à Sarlat où il fut arrêté le 1er avril 1944, ainsi qu’une trentaine d’autres Juifs. Il fut pourtant le seul, avec Jean Grumbach, à être abattu à Marquay, dans la carrière du lieu-dit les « Bas-Rivaux » où selon un autre récit, dans un bois, près du hameau de la carrière. Toutes les autres victimes de Sarlat furent déportées.
Nous ignorons les raisons de cette mise à l’écart ainsi que les conditions de son exécution et de celle de Grumbach. Pour l’institutrice de Marquay (récit du 20 septembre 1944), les corps ne furent trouvés que le 18 avril 1944 et ils avaient été en grande partie mangés par les chiens et ils furent découverts « après le passage d’une colonne allemande ». Selon un document validé par la municipalité de Marquay le 28 janvier 1945, Jean Grumbach et Constant Wiener furent abattus par les Allemands, précisant seulement qu’ils furent inhumés à Marquay le 18 avril 1944. Le rapport des Renseignements généraux qui relatent ces arrestations portent sur la semaine du 1er au 8 avril.
Selon un document entré seulement en 2018 aux Archives départementales [1], les restes de deux êtres humains ont été trouvés dans un bois et ont été identifiés comme étant ceux des nommés Grumbach, Jean, bûcheron (…) demeurant à Sarlat, et Wiener, Constant, Jacques, tapissier-matelassier (…) ce dernier juif, demeurant également à Sarlat. Leurs vêtements sont criblés de balles. L’enquête a établi que le 2 avril 1944, une voiture allemande, venant de la direction de Sarlat, s’était arrêtée près de l’endroit où ont été trouvés ces cadavres. Des soldats allemands et des civils en étaient descendus pour pénétrer dans le bois où deux rafales de mitraillettes avaient été entendues peu après, puis la voiture et une partie de ses occupants étaient repartis vers Sarlat. Il semble donc bien que les décès ci-dessus soient consécutifs aux récentes opérations des troupes allemandes.
Extraits de la nouvelle « The American Bookstore of Paris » de Lowel B. Komie traduits de l’anglais par Philippe Baumlin corroborent les informations des Archives
Cette nouvelle raconte l’histoire d’un libraire américain à la retraite à Paris, David Freund, s’intéressant à 2 librairies. L’une d’elles se trouve à Paris, l’autre à Sarlat. En se rendant à Sarlat il croisa la stèle érigée entre Marquay et Sarlat en mémoire des 2 jeunes juifs, Contant Wiener et Jean-Jacques Grumbach, tués par les Allemands en avril 1944. Il voulut en savoir plus. Il en parla avec Simon Leclaire qu’il rencontra dans la librairie de Sarlat appartenant à Max Birnbaum.
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« Leclaire lui a dit que la plupart des soldats allemands ayant traversé Sarlat étaient des adolescents alsaciens. Peut-être ont-ils exécuté Grumbach et Wiener parce que les 2 jeunes hommes parlaient allemand, parfaitement allemand, et avec un accent alsacien et pensaient qu’ils étaient des espions ou des déserteurs. »
Il demanda à Max s’il avait plus d’information sur le massacre de ces jeunes, mais celui-ci lui dit qu’il n’en savait pas plus.
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« J’ai essayé de me renseigner à leur sujet. J’ai appris de Jacques qu’on lui avait dit que leurs corps étaient restés dans la forêt pendant 18 jours. Ils étaient méconnaissables quand on les a trouvés. Leur visage avait été dévoré par des animaux sauvages et des chiens. »
Ils décidèrent de rechercher d’autres éléments concernant ce massacre.
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« Max tourna autour de la stèle et regarda vers la forêt. « Vous savez, on leur a tiré dans le dos. Criblés de balles. Un cousin à Grumbach a dit à Jacques que c’est son père qui était dans la résistance qui a trouvé les corps. Il lui a dit que les corps avaient été couchés là pendant 18 jours. Ils ont été tués le 1er avril 1944 et les corps n’ont été enlevés que le 18 avril. Ils n’ont pu être identifiés que grâce aux papiers trouvés sur leurs corps. »
Puis il se rendirent à la poste de Marquay pour consulter les actes de décès. Ceux-ci disaient :
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« Mort pour la France. Le dix neuf avril mille neuf cent quarante-quatre, à huit heures sur la commune de Marquay au lieu de La Carrière, le corps de Grumbach Jean né le vingt-sept juin mille neuf cent vingt à Belfort. Dressé le dix-neuf avril mille neuf cent quarante-quatre, à dix heures sur déclaration de la gendarmerie. Le même type de certificat avait été rempli pour Contsant Wiener, sauf qu’il était né le 12 juillet 1920 à Hégenheim (Haut Rhin) et qu’il était tapissier. Dans la marge gauche de son certificat était noté « mort pour la France ». Contrairement à Grumbach il y avait une date sous « mort pour la France » : « le 20 août 1848 », suivi par des initiales. Ils demandèrent s’il fut enterré, mais personne ne le savait. »
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« Au cimetière ils ne trouvèrent pas de tombe au nom de Jean Grumbach ou de Constant Wiener. »
Enfin, selon la sœur de Constant Wiener, ce dernier aurait été abattu par les nazis le 2 avril. Il paraît vraisemblable que la division Brehmer fut responsable de ces crimes qui auraient eu lieu le 1er ou le 2 avril 1944.
Le nom de Wiener, écrit Viener, est inscrit sur une stèle placée sur la D6, côté gauche, à environ 5 km de Marquay en direction de Sarlat. Elle porte la mention : « Réfugiés alsaciens, ces deux patriotes âgés de 24 ans ont été fusillés au lieu-dit « La Carrière » le 2 avril 1944 par l’unité de la Wehrmacht « Brehmer ». »

Crédit : site internet « Mémorial Gen Web » – Gerard Doucet
Note – C. Sanchez
Les exactions de la division Brehmer ont assassiné 347 maquisards et civils entre le 26 mars et le 19 avril et des centaines de déportés en Dordogne. Mi-avril le général Brehmer regagne Paris avec la 325e division de sécurité. Le 20 juillet 1944, impliqué dans le complot contre Hitler, à la tête de la 325e Sicherungs-Division, vers 20h, il désarme 1200 membres de la SS, du SD et de la Gestapo et fait prisonnier lui-même le SS-Brigadeführer Karl Oberg. A 22h30, après l’annonce de l’attentat manqué du 20 juillet 1944, Brehmer et ses troupes ne furent pas inquiétés, car il furent considérés comme de simple exécutants. Du 24 juillet au 22 décembre 1944, il fut mis en réserve de l’OKH (Oberkommando des Heeres, commandement suprême de l’Armée de terre).
Du 22 décembre 1944 au 15 avril 1945, il est détaché au groupe d’armées F. Il est inculpé de complicité d’assassinats, tentatives d’assassinats, complicité d’incendies volontaires, destruction et pillages. Le 15 avril 1945, il devient le dernier commandant du Gross Berlin. Le 4 mai 1945, il est arrêté par l’Armée rouge. Le 9 octobre 1955, il est libéré et rentre en Allemagne. En 1960, les procédures et les enquêtes pour crimes de guerre à l’encontre de Brehmer sont ouvertes. Le 19 septembre 1967, il décède à Hambourg en Allemagne. En 1977, le dossier pour crimes de guerre est clos. Les preuves ne sont pas suffisantes, les témoins ayant disparu.
SOURCES :
Arch. dép. Dordogne, 1573 W 8 ; 1573 W 6 ; 1 W 1815-2. Rapport n° 3412 des Renseignements généraux du 9 avril 1944, semaine du 1er au 8 avril 1944 ; J 2548.
Registre d’état civil de Marquay.
Jacky Dreyfus et Daniel Fuks, Le Mémorial des Juifs du Haut-Rhin. Martyrs de la Shoah, Jérôme Do Bentzinger Editeur, 2006, p. 309.
Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne. 1939-1944, éd. Fanlac/Archives départementales de la Dordogne, 2003, p. 491.
Les victimes de la Shoah originaires de Hégenheim le 23 novembre 2017.
Notice dans le maîtron des fusillés : http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article199255, notice WIENER Constant par Bernard Reviriego, version mise en ligne le 19 janvier 2018, dernière modification le 19 janvier 2018.
« The American Bookstore of Paris » de Lowel B. Komie
